Cette année, j'ai décidé d'étudier les Fleurs du mal avec mes élèves de terminale. Ce recueil, je l'ai travaillé à de nombreuses reprises les années précédentes, mais je ne m'étais jamais vraiment arrêtée sur le poème "Bénédiction" - qui est pourtant le premier du recueil (après "Au Lecteur", hors numérotation) !
Je l’ai donc lu et relu, ai souligné tout ce qui me paraissait intéressant, puis je me suis promenée sur Internet pour trouver d’autres pistes que les miennes. Et là, surprise !
Rien, ou presque. Et les propositions comprises dans le « presque » étaient souvent à côté de la plaque, avec, par exemple, des affirmations du type : « la mère bénit Dieu dans les vers : "Soyez béni mon Dieu qui donnez la souffrance / Comme un divin remède à nos impuretés" » … alors que c'est le poète qui parle.
Je me suis du coup plongée (et replongée, et re-replongée) dans le texte, puis suis allée voir ma sœur de cœur, catéchiste de son état, qui maîtrise les références bibliques comme personne.
Après plus de 7 heures de cogitation, seule, puis en compagnie de deux esprits éclairés (merci à Marie, sa fille, présente, capable de retrouver des versets plus vite que son ombre), je suis arrivée à interpréter une bonne partie des références mystiques du poème.
Pour que ce long travail ne demeure pas uniquement dans ma classe, je vous le livre…
« Bénédiction » de Charles Baudelaire – Les Fleurs du mal
Éléments de compréhension et références en vue d'une analyse littéraire, d'une explication de texte ou d'un commentaire composé
I. Introduction générale sur les Fleurs du mal
Les quatre premiers poèmes des "Fleurs du Mal" de Charles Baudelaire jouent un rôle crucial dans l'ensemble de l'œuvre. Ces poèmes posent les fondations thématiques et stylistiques du recueil et introduisent des motifs récurrents.
« Au Lecteur » (poème hors numérotation) : Ce poème introductif établit le ton du recueil. Il présente le thème de la dualité de la nature humaine, une lutte entre le bien et le mal, et la prédominance des vices. Baudelaire y aborde la complicité entre le lecteur et le poète dans cette exploration de la noirceur.
« Bénédiction » : Dans ce poème, Baudelaire explore le thème de la souffrance de l'artiste et sa relation avec la création. Il exprime l'idée que la souffrance peut être une source d'inspiration et de création artistique, un concept central dans Les Fleurs du mal.
« L'Albatros » : Ce poème est souvent interprété comme une métaphore de la condition du poète. L'albatros, oiseau majestueux dans son élément mais maladroit sur le pont d'un navire, symbolise le poète, sublime dans son monde de pensée mais incompris et ridiculisé dans le monde réel.
« Élévation » : Ici, Baudelaire exprime sa capacité à s'élever au-dessus du monde matériel et de voyager dans « l’immensité profonde ». Ce mouvement lui permet d’interpréter les symboles et les mystères, ainsi, il « comprend sans effort le langage des fleurs et des choses muettes ».
II. Titre, thèmes et aspects mystiques du poème "Bénédiction"
Le titre est paradoxal. Ce poème se nomme « Bénédiction », mais s’ouvre sur une mère qui rejette son enfant. La mère se pense haïe par Dieu qui lui a donné pour enfant un poète. Elle maudit « la nuit aux plaisirs éphémères » qui a conduit à la conception de celui-ci. Il faut attendre le vers 57 pour voir apparaître la notion de bénédiction, dans les paroles prononcées par le poète : « Soyez béni mon Dieu qui donnez la souffrance / Comme un divin remède à nos impuretés… »
Le poète revêt ici un aspect christique/messianique. Sa mère a été choisie « entre toutes les femmes » et son mari n’est a priori pas le père. Baudelaire détourne ainsi la figure de Marie.
Ce poème évoque la profonde souffrance du poète rejeté par les gens censés l’aimer (sa mère, sa femme). Baudelaire lie cette souffrance à quelque chose de mystique et de religieux pour souligner la force de son ressenti.
Lien au romantisme : Baudelaire, un admirateur de la littérature anglaise, était influencé par le romantisme de Byron, notamment dans son exploration de l’individualisme, du malaise existentiel et de la rébellion contre les normes sociales. Tous deux partagent une fascination pour les aspects sombres et mélancoliques de la condition humaine. Bien que Byron appartienne à la génération romantique antérieure à celle de Baudelaire, l’œuvre de Byron a eu un impact significatif sur la vision du monde et le style poétique de Baudelaire.
La dernière partie de ce poème peut se rapprocher des trois voies de la mystique catholique.
Dans la spiritualité chrétienne, le chemin vers l’union avec Dieu se déroule en trois étapes. La première, la voie purgative, est un processus de purification de l’âme. Ici, l’individu se détache des péchés et des distractions terrestres, souvent à travers la confession, la prière, la méditation et l’ascétisme. Ici, la purification se ferait par la souffrance (strophe 15).
La deuxième étape est la voie illuminative, où l’individu gagne une connaissance plus profonde de Dieu. Dans cette étape, l’expérience de la présence et de la guidance de Dieu devient plus manifeste. (strophes 16 et 17)
La dernière étape est la voie unitive. Ici, l’âme atteint une union mystique avec Dieu, marquée par une profonde communion spirituelle et une harmonie avec la volonté divine. Cette union représente le sommet de la maturité spirituelle. (strophes 18 et 19, avec modification de l’aspect divin).
III. La structure du poème et le fond du poème
Ce premier poème apparaît dans la section « Spleen et Idéal ». Les 4 premiers poèmes de cette section constituent une définition de l’art poétique de Baudelaire.
Ce poème est composé de 19 quatrains d’alexandrins, dont les rimes sont croisées.
Le poème peut être divisé en 2 mouvements, eux-mêmes divisés en parties.
Premier mouvement : Le poète est rejeté par tous (strophes 1 à 13)
La première partie évoque le poète enfant, rejeté par sa mère, mais trouvant du bonheur dans la nature.
De la 1re à la 4e strophe, après 2 vers exprimant la volonté « des puissances suprêmes » de faire naître un poète, sa mère rejette l’enfant et exprime sa haine envers lui. La mention d’une « nuit aux plaisirs éphémères », l’association de l’enfant à une « expiation » et le fait qu’elle deviendra « le dégoût de son triste mari » permettent de comprendre que cet enfant est le fruit d’un adultère.
Code couleur : Police orange : aspects mythologiques/mystiques (non bibliques) / Police violette : aspects bibliques
Lorsque, par un décret des puissances suprêmes, (ici, unité religion chrétienne/mythes mêlés)
Le Poète apparaît en ce monde ennuyé, (aspect messianique)
Sa mère épouvantée et pleine de blasphèmes
Crispe ses poings vers Dieu, qui la prend en pitié :
- « Ah ! que n’ai-je mis bas tout un nœud de vipères, (référence au serpent tentateur)
Plutôt que de nourrir cette dérision !
Maudite soit la nuit aux plaisirs éphémères
Où mon ventre a conçu mon expiation ! (référence au péché originel)
Puisque tu m’as choisie entre toutes les femmes (référence à Marie, dans la Bible)
Pour être le dégoût de mon triste mari,
Et que je ne puis pas rejeter dans les flammes,
Comme un billet d’amour, ce monstre rabougri,
Je ferai rejaillir ta haine qui m’accable
Sur l’instrument maudit de tes méchancetés,
Et je tordrai si bien cet arbre misérable, (lié à l’arbre de la connaissance)
Qu’il ne pourra pousser ses boutons empestés ! » (lié à la création des Fleurs du mal)
Références : Livre de la Genèse – chapitre 3 / Luc 1, verset 42
La 5e strophe indique que la femme sera châtiée pour cela (envoyée en Enfer pour préparer les bûchers qui tourmenteront les femmes comme elles).
Elle ravale ainsi l’écume de sa haine,
Et, ne comprenant pas les desseins éternels,
Elle-même prépare au fond de la Géhenne
Les bûchers consacrés aux crimes maternels. (référence croisée avec enfers grecs)
Dans la mythologie grecque, les Enfers étaient considérés comme le royaume des morts. Ce n’était pas seulement un lieu de punition, mais aussi une demeure finale pour la plupart des âmes après la mort. Cependant, certaines âmes étaient effectivement punies et envoyées au Tartare, lieu réservé à ceux qui avaient commis des actes particulièrement mauvais.
Les punitions dans les Enfers grecs avaient souvent une dimension moralisatrice, visant à illustrer les conséquences des vices ou des actions immorales. Dans notre poème, la mère envisageait de jeter son enfant dans les flammes. Du coup, elle est condamnée à préparer les bûchers des femmes comme elle.
Strophes six et sept : bonheur de l’enfant innocent protégé par un Ange. Le poète, malgré la malédiction maternelle, trouve refuge et joie dans la nature et le divin.
Pourtant, sous la tutelle invisible d’un Ange, (rappel éléments biographiques ? tutelle/déshérité ?)
L’Enfant déshérité s’enivre de soleil,
Et dans tout ce qu’il boit et dans tout ce qu’il mange
Retrouve l’ambroisie et le nectar vermeil. (référence croisée avec mythologie grecque)
Il joue avec le vent, cause avec le nuage, (capacité à communiquer avec l’Idéal, correspondances)
Et s’enivre en chantant du chemin de la croix ; (référence à la montée au Calvaire / correspondances)
Et l’Esprit qui le suit dans son pèlerinage
Pleure de le voir gai comme un oiseau des bois.
Le groupe nominal « chemin de la croix » se réfère aux événements suivants : après avoir été arrêté, jugé par Ponce Pilate et condamné à mort, Jésus est contraint de porter sa propre croix jusqu'au site de sa crucifixion, appelé Golgotha ou Calvaire. Ce trajet est marqué par une souffrance physique intense et par des actes d'humiliation de la part des soldats romains et de la foule.
Au-delà de ce cadre religieux, la métaphore du « chemin de croix » est employée pour évoquer une série d'épreuves ou de souffrances endurées par une personne. Cette expression symbolise un parcours difficile, marqué par des obstacles et des défis, reflétant la notion de porter une lourde charge ou de traverser des périodes difficiles, à l'image de Jésus.
L'importance de la comparaison avec l'oiseau (qui interviendra deux fois dans le poème) est à souligner. En effet, dans le poème suivant, « L'Albatros », le Poète sera comparé à un albatros. Puis, dans « Elévation », son esprit « s'envole », s'élance « d'une aile vigoureuse » et ses pensées sont comparées à des alouettes.
Ainsi, l'Ange/l'Esprit qui l'accompagne est conscient que cet enfant destiné à devenir poète vivra de grandes souffrances.
Strophes 8 et 9 : Transition vers la 2e partie : le poète passe de l’enfance à l’âge adulte. Les vers 35 et 36 peuvent en effet être reliés à la syphilis, à travers la référence au Lévitique.
Malgré l’amour que le poète offre, il est rejeté et méprisé par ceux qu’il cherche à aimer, soulignant sa solitude.
Tous ceux qu’il veut aimer l’observent avec crainte,
Ou bien, s’enhardissant de sa tranquillité,
Cherchent à qui saura lui tirer une plainte,
Et font sur lui l’essai de leur férocité.
Dans le pain et le vin destinés à sa bouche (référence à l’Eucharistie)
Ils mêlent de la cendre avec d’impurs crachats ; (référence aux crachats subis par le Christ)
Avec hypocrisie ils jettent ce qu’il touche, (référence à l’impureté liée à la gonorrhée)
Et s’accusent d’avoir mis leurs pieds dans ses pas.
Aspects bibliques :
Pour l’Eucharistie : Matthieu 26, versets 26 à 29 Pour les crachats : Mattheu 27, verset 30
Pour la cendre : Dans la Bible, les cendres sont souvent un symbole de repentance et d’humilité.
Ces thèmes sont au cœur de l’enseignement de Jésus sur la nécessité de se repentir et de s’humilier devant Dieu.
Dans la tradition chrétienne, le Mercredi des Cendres marque le début du Carême, une période de 40 jours de jeûne, de prière et de pénitence en préparation pour Pâques, la célébration de la résurrection de Jésus.
Lors du Mercredi des Cendres, les fidèles reçoivent souvent une marque de cendres sur le front, un acte rappelant la mortalité humaine et la nécessité de repentance, thèmes fortement liés à l’enseignement du Christ.
Mention d’un mélange de vin et de fiel donné à boire à Jésus : Matthieu 27, verset 34
Pour la gonorrhée : Lévitique – chapitre 15 : impureté de l’homme souffrant d’une IST --> Baudelaire souffrait de syphilis
À sa mère, Baudelaire écrit le 4 décembre 1854 : « Je crois que ma vie a été damnée dès le commencement, et qu’elle l’est pour toujours. »
Il est possible de lier cette partie au fait que Baudelaire s’est senti rejeté par sa mère lorsqu’elle s’est remariée avec le général Aupick ou lorsqu’elle a soutenu sa mise sous tutelle.
De même, ils s’opposeront à sa vocation de poète. « S’il va haïr le général Aupick, c’est sans doute que celui-ci s’opposera à sa vocation. C’est surtout parce que son beau-père lui prenait une partie de l’affection de sa mère. […] Une seule personne a réellement compté dans la vie de Charles Baudelaire : sa mère. » (Claude Pichois et Jean Ziegler, Baudelaire : biographie, éditions Julliard)
La deuxième partie relate le rejet et la cruauté de sa femme. Celle-ci projette d’arracher le cœur du poète pour le donner à manger à sa bête préférée (vision à la fois physique et métaphorique, cœur = siège des sentiments).
Strophes 10 et 11 : Ce passage montre le désir de la femme de dominer et de contrôler le poète, en utilisant la séduction pour usurper (s’approprier illégitimement) une adoration destinée au divin.
Sa femme va criant sur les places publiques :
« Puisqu’il me trouve assez belle pour m’adorer,
Je ferai le métier des idoles antiques,
Et comme elles je veux me faire redorer ;
Et je me soûlerai de nard, d’encens, de myrrhe,
De génuflexions, de viandes et de vins,
Pour savoir si je puis dans un cœur qui m’admire
Usurper en riant les hommages divins !
(Présence de synesthésies : se soûler de parfums et de nourriture)
Adoration d’idoles = opposé aux préceptes bibliques
Lévitique 26:1 : "Vous ne vous ferez point d’idoles, vous ne vous élèverez ni image taillée ni statue, et vous ne placerez dans votre pays aucune pierre ornée de figures, pour vous prosterner devant elle."
Strophes 12 et 13 : La femme projette, une fois lassée de ses cruautés, d’arracher le cœur du poète (mort autant physique que sentimentale).
Et, quand je m’ennuierai de ces farces impies,
Je poserai sur lui ma frêle et forte main ;
Et mes ongles, pareils aux ongles des harpies,
Sauront jusqu’à son cœur se frayer un chemin.
Comme un tout jeune oiseau qui tremble et qui palpite, (reprise de l’image de l’oiseau)
J’arracherai ce cœur tout rouge de son sein,
Et, pour rassasier ma bête favorite, (bête peut se référer à Satan)
Je le lui jetterai par terre avec dédain ! »
Dans la mythologie grecque, les Harpies combinent des traits humains et aviaires. Elles étaient considérées comme des agents de punition. Elles étaient souvent envoyées par les dieux pour enlever ou punir les mortels, ou pour apporter ou emporter des choses.
Il est possible d’associer cette femme cruelle à Jeanne Duval. « Opposant divinité et bestialité, [les] poèmes qui la chantent si magnifiquement s’opposent à ceux où l’amour se change en combat, laissant deviner l’histoire d’une liaison tempétueuse, faite de ruptures et de retrouvailles, de volupté et de férocité, de remords, de dévouement, d’égoïsme et de charité. » (Claude Pichois, Jean-Paul Avice, Dictionnaire Baudelaire)
La plupart des biographes accusent Jeanne Duval d’avoir empêché Baudelaire de réaliser son œuvre.
La mère et la femme aimée deviennent ainsi des obstacles à la création poétique.
Deuxième mouvement : Malgré ce rejet, le poète s’élève au-dessus des hommes (strophes 14 à 19)
Dans la première partie, le poète s’adresse à Dieu pour le bénir et exprimer ses certitudes.
Strophe 14 : Le poète se tourne vers le ciel et oublie ceux qui peuplent la terre (notion de verticalité). Mise en valeur de son esprit (cf. le poème "Elévation")
Vers le Ciel, où son œil voit un trône splendide, (trône de Dieu, voir la hiérarchie céleste)
Le Poète serein lève ses bras pieux,
Et les vastes éclairs de son esprit lucide
Lui dérobent l’aspect des peuples furieux :
Strophe 15 : Le poète bénit Dieu qui le fait souffrir. Cette souffrance est décrite de manière méliorative (« remède », « meilleure », « pure »…)
- « Soyez béni, mon Dieu, qui donnez la souffrance
Comme un divin remède à nos impuretés
Et comme la meilleure et la plus pure essence
Qui prépare les forts aux saintes voluptés !
Bénédiction de Dieu par l’homme, cf Deutéronome 8 :10
Strophes 16 et 17 : Expression des certitudes du poète (anaphore « je sais que » en tête de strophe) : obtention d’une place auprès de Dieu, valeur positive de la souffrance, nécessité d’être supérieur.
Je sais que vous gardez une place au Poète
Dans les rangs bienheureux des saintes Légions,
Et que vous l’invitez à l’éternelle fête
Des Trônes, des Vertus, des Dominations. (référence à l’Apocalypse / hiérarchie céleste)
Je sais que la douleur est la noblesse unique
Où ne mordront jamais la terre et les enfers,
Et qu’il faut pour tresser ma couronne mystique
Imposer tous les temps et tous les univers.
Les Trônes forment le septième chœur de la hiérarchie céleste. Ils personnifient la justice et l’autorité de Dieu. Ils sont parfois assimilés aux vingt-quatre Anciens du livre de l’Apocalypse, qui sont attentifs à la volonté de Dieu et lui présentent les prières des hommes (Mention des Trônes : Apocalypse 4 : 4)
Les Vertus symbolisent la force et la vigueur durant un projet entrepris. Elles récompensent le chercheur en phase avec ses objectifs et qui ira au bout de sa démarche. On les invoque pour se redonner force et courage. (Ephésiens 1 : 21)
Les Dominations (Ep 1:21 ; Col 1:16) transmettent aux entités inférieures les commandements de Dieu. Elles sont traditionnellement représentées comme des êtres de forme humaine, à la beauté angélique et dotées d’une paire d’ailes.
Pour la couronne : Apollon est le dieu grec des arts, du chant, de la musique, de la beauté masculine, de la poésie et de la lumière. Il porte une couronne de laurier. Le dernier vers évoque l’association des époques et des mystiques, semblant aller au-delà des aspects bibliques. Il peut aussi s'agir de la couronne d'épines tressées par les soldats. Jean 19:2 : « Les soldats tressèrent une couronne d’épines qu’ils posèrent sur sa tête. »
Dans la deuxième partie, le poète exprime sa supériorité.
Strophes 18 et 19 : évocation des correspondances verticales.
Mais les bijoux perdus de l’antique Palmyre,
Les métaux inconnus, les perles de la mer,
Par votre main montés, ne pourraient pas suffire
À ce beau diadème éblouissant et clair ; (référence à la transfiguration)
Car il ne sera fait que de pure lumière,
Puisée au foyer saint des rayons primitifs,
Et dont les yeux mortels, dans leur splendeur entière,
Ne sont que des miroirs obscurcis et plaintifs ! »
Cette association continue par l’évocation (énumération) de divers ornements (« bijoux perdus », « métaux inconnus », « perles ») que la main de Dieu sertirait dans la couronne précédemment mentionnée. Cependant, il faut davantage que ces richesses (« Mais », « ne pourraient pas suffire ») pour mettre en valeur cette couronne.
Transfiguration : Matthieu 17, versets 1 à 8 « Et il fut transfiguré en leur présence, et son visage resplendit comme le soleil, tandis que ses vêtements devinrent blancs comme la lumière. / […] une nuée lumineuse les couvrit : et voici, une voix sortant de la nuée… »
Le diadème mentionné serait en réalité composé de la lumière des « rayons primitifs ». Il est possible ici d’y voir quelque chose de plus ancien que Dieu lui-même. Peut-être une référence à la création.
Ce dernier quatrain évoque les correspondances verticales et le fait que les hommes mortels ne peuvent comprendre les « messages » venus d’ailleurs. En effet, pour Baudelaire, la réalité qui l’entoure est composée de « symboles » que seul le poète peut déchiffrer. Lui seul peut ainsi entrevoir, voire comprendre, le monde invisible et immatériel de l’Idéal.
Baudelaire est connu pour son concept de « correspondances », une idée que le monde sensible, ou matériel, reflète un ordre spirituel ou idéal plus élevé. Cela résonne avec l’idée platonicienne selon laquelle le monde sensible n’est qu’une ombre ou une copie imparfaite d’un monde des idées parfait et éternel.
Bien que Baudelaire ne fasse pas directement référence au mythe de la caverne de Platon, les thèmes explorés dans ses poèmes, en particulier la tension entre l’illusion et la réalité, ainsi que la quête de la vérité au-delà des apparences, résonnent fortement avec l’allégorie platonicienne.
Cette dernière strophe peut aussi se référer à la Première épître aux Corinthiens, dans laquelle Paul rappelle que la sagesse de Dieu ne peut être comprise que par l’homme spirituel (2:6-16). « Mais, comme il est écrit, ce sont des choses que l’œil n’a point vues, que l’oreille n’a point entendues, et qui ne sont point montées au cœur de l’homme, des choses que Dieu a préparées pour ceux qui l’aiment. »
Proposition d’un plan de commentaire composé :
I. Le poète est rejeté par l’humanité
II. Cependant, il est supérieur aux hommes
III. Ce poème revêt donc un aspect messianique
Remerciements : Un immense merci à Fleur et Marie Erbeia, pour leur aide dans l'interprétation des références bibliques ! Sans elle, cet article aurait été tristement incomplet.