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Genève, Grève des fonctionnaires : les enjeux

Dernière mise à jour : 20 oct. 2023


Je suis enseignante et les mesures que nous promettent les politiques dégraderont les conditions de travail - pour les enseignants comme pour les élèves - dans des écoles qui ne se portent déjà pas très bien.

Quand j'évoque mon métier, on ne retient souvent que le nombre de semaines de vacances dont je bénéficie et on termine généralement par "tu réalises la chance que tu as ?". La réponse à cette question tient en un mot : "oui". (Je ne suis pas débile... du moins, je l'espère.)

Cependant, j'entends souvent des phrases commençant par "vous les profs" suivies de doléances diverses et variées : nivellement par le bas / enseignement trop élitiste, pas assez de discipline / trop de discipline, manque de pédagogie / écoute trop ses élèves, notes trop généreuses / notes trop sévères, n'éduquent pas bien (heu... je suis là pour instruire, pas pour éduquer - ça, c'est VOTRE travail).

Et ça, ça me fatigue.

Parce qu'au moment où je demande : "Mais si mon travail a tellement d'avantages et que, d'après tes dires, tu le ferais bien mieux que moi, pourquoi ne deviens-tu pas prof ?"

J'ai la réponse qui tue : "T'es FOLLE ??? Jamais. Les ado, merci bien ! Sans compter les classes surchargées et les corrections..."

Pourtant, selon l'adage, je fais le plus beau métier du monde.

Au final, j'ignore si c'est le plus beau du monde, mais il me plaît.

Cependant, à l'heure actuelle, l'éducation a besoin de moyens.

Et ce sont ces moyens que l'Etat de Genève veut aujourd'hui diminuer...

Quand je lis dans la presse et sur les réseaux sociaux que nous, les fonctionnaires, sommes (dans le désordre) :

  • des privilégiés qui chialons sur notre sort

  • des 🙃fonctionnaires dodus, enfants très gâtés qui ne veulent pas faire leur part d'effort dans une société dont les revenus fiscaux s'effondrent

  • que nous devrions avoir bossé dans le privé pour comprendre nos privilèges

Je réalise le manque d'information de la population.

Les médias (sauf exception) ne parlent pas des enjeux qui nous poussent à nous rebeller contre ces mesures d'austérité, qui toucheront massivement l'éducation, la sécurité, la justice, la santé.

Imaginez que votre patron déboule un jour dans votre bureau et vous annonce :

"Cher petit employé, dès demain, tu travailleras 2 heures de plus par semaine. Tu sais, ce n'est pas bien grave, cela ne fait que 24 minutes supplémentaires par jour. C'est une nécessité pour que l'entreprise ne fasse pas faillite."

Là, tu te dis, d'accord. Je trouverai une solution. Je raccourcirai ma pause de midi pour pouvoir aller chercher mes enfants à l'école, comme avant. Ou je les mettrai au parascolaire, si nécessaire.

Puis il continue :

"De plus, jusqu'à maintenant, tu avais au maximum 24 dossiers à suivre (même si, dans ton contrat, c'était indiqué 21). A partir de demain, tu en suivras de 27 à 30."

Là, tu sais très bien que ces fameuses 24 minutes ne suffiront pas. Surtout que, matériellement, il n'y a pas la place dans ton bureau pour ces dossiers supplémentaires.

Et il termine par :

"Enfin, si tu es malade, tu ne seras pas remplacé. Le suivi de tes dossiers restera en suspens."

Je parie que vous protesterez...

Surtout que dans mon cas, ce ne sont pas des dossiers, mais des élèves.

Vos enfants, mes enfants.

Ces 24 minutes supplémentaires, je suis prête à les faire, car je pense que dans une société, l'effort doit être consenti par tous, et que je suis consciente des avantages dont je bénéficie.

Ce que je refuse, c'est la dégradation des conditions de travail, pour les enseignants comme pour les élèves. Parce que je crois que l'éducation est une priorité.

Et c'est pour cela que j'ai fait grève...

Pour mieux comprendre :

Extrait de la lettre de l'Union du corps enseignant Genève secondaire genevois - UCESG

Datée du 29 octobre 2015 - Lettre ouverte aux parents d’élèves

Les coupes budgétaires annoncées par le Conseil d’Etat rendront difficiles, voire impossibles, une rentrée scolaire 2016 aux mêmes conditions que celle de cette année. Cette détérioration s’appliquera principalement sous deux aspects : une augmentation des effectifs de classes et une diminution des remplacements.

Si ces deux mesures ne pénalisent pas forcément les meilleurs élèves qui ont les moyens individuels de s’en sortir quelles que soient les conditions, il n’en est pas de même pour les enfants ayant plus de difficultés à l’école. Pour ceux-ci, chaque élève supplémentaire dans sa classe réduit de facto le temps que l’enseignant peut lui consacrer pour l’aider à réussir et les heures perdues comptent double.

Outre cet aspect purement lié à l’apprentissage, les coupes budgétaires auront aussi des impacts sur l’accompagnement scolaire au sens large, que l’on parle de l’insertion scolaire des élèves en grande difficulté, des cours d’appui, mais aussi des assistants sociaux et des infirmières.

L’Union du corps enseignant secondaire genevois (UCESG) a donc décidé de s’associer au mouvement de grève reconductible de l’administration publique jusqu’à ce que le Conseil d’Etat accepte d’entamer de véritables négociations sur un projet de budget équitable garantissant la qualité de l’école genevoise.

Un extrait de l'article du blog de Jean-Michel Bugnion

Deuxième argument : le salaire brut médian, 8666.-, rapporté à celui du privé genevois, 7042.-, et suisse, 7750. La différence repose sur le fait que l’Etat, qui n’a pas vocation de faire du profit sur ses employés, rétribue davantage les emplois peu ou moyennement qualifiés (nettoyeur, concierge, personnel administratif au niveau du CFC, etc.).

En revanche, comme le démontre le tollé devant la prime payée aux 7 hauts cadres du département des finances, il se montre bien moins généreux que le privé pour les emplois à haute qualification. De plus, il faut remarquer la différence de 700.- entre le salaire médian genevois et le suisse ; elle démontre de manière peu flatteuse comment le privé traite ses employés à Genève et pourrait donner à ceux-ci des raisons de revendiquer à leur tour… Dans le service public, on gagne donc plus dans certains métiers et moins dans d’autres à fort salaire. Est-ce donc choquant ou cela ne relève-t-il pas de la fonction sociale de l’Etat ?

Or, le Conseil d’Etat, reprenant un projet de loi de l’UDC d’il y a 2 ans, n’a jamais discuté avec les représentant de la fonction publique de l’augmentation du temps de travail, ni d’ailleurs de la réduction linéaire de 5%.

A l’évidence, tant le gouvernement que la droite et la plupart des médias ont trouvé à la fois la source des économies à faire et le bouc-émissaire responsable du déficit budgétaire et de la dette : la fonction publique.

D’ailleurs les 2 seules petites mesures de ressources proposées par le CE sur la fiscalité ont été balayées par la droite en commission des finances, confirmant cette volonté de faire passer seuls les fonctionnaires à la caisse.

Et tant pis pour certaines catégories d’entre eux qui sont déjà à la limite de leurs possibilités, dans les secteurs de la santé, de la prise en charge sociale ou de l’enseignement !

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